Perspective de développement du Grenville pour l’exploration et la mise en valeur des minéraux critiques et stratégiques

Le potentiel minéral de la Province géologique de Grenville a longtemps été considéré comme faible. Toutefois, ce territoire a été un important centre d’exploitation de minéraux industriels en raison de sa géologie, de la nature des roches, des hauts grades métamorphiques et de sa proximité des infrastructures routières et industrielles. Des 28 minéraux critiques et stratégiques (MCS) de la liste québécoise, 16 sont répertoriés dans des indices, gîtes ou mines du Grenville. Ces MCS sont le cuivre, le zinc, le nickel, le cobalt, les éléments du groupe du platine (EGP), le vanadium, les terres rares, le niobium, le tantale, le scandium, le graphite, le titane, le manganèse, le minerai de fer de haute pureté, l’apatite (phosphate) et la silice de haute pureté.

La Province de Grenville est l’hôte de cinq mines actives de MCS, d’une mine en dormance et d’une mine en développement qui produisent six (6) éléments et minéraux critiques et stratégiques. Les mines de minerai de fer de haute pureté du Mont-Wright et de Fire Lake, situé dans la région de Fermont, sont les équivalents métamorphiques des formations de fer du Paléoprotérozoïque de la Fosse du Labrador, déformées et métamorphisées au faciès des amphibolites et des granulites. La mine d’hémo-ilménite massive (minerai de fer et titane) du lac Tio est localisée dans la Suite anorthositique de Havre-Saint-Pierre, au nord de Havre-Saint-Pierre sur la Côte-Nord. Le scandium est récupéré du traitement métallurgique des scories enrichies en titane provenant de l’ilménite du lac Tio aux installations de Rio Tinto Fer et Titane à Sorel. À Petit-Lac-Malbaie, au nord de Baie-Saint-Paul, une exploitation de silice constitue la seule mine de quartz de haute pureté au Québec. La mine de graphite de Lac-des-Îles, située dans les Hautes-Laurentides, est en arrêt de production depuis quelques années. La mine de graphite de Mattawinie, située dans Lanaudière, est en phase de développement. Ces deux minéralisations sont situées dans des roches sédimentaires graphiteuses du Mésoprotérozoïque fortement métamorphisées. Finalement, la mine Niobec exploite depuis 1976 un gisement de niobium dans une carbonatite post-grenvillienne.

Nous discuterons dans cette présentation des contextes géologiques de ces substances ainsi que ceux de neuf autres MCS de la Province de Grenville.

Les éléments de terres rares (ETR) sont essentiels à la transition énergétique mondiale en raison de leur utilisation dans les technologies vertes telles que les éoliennes et les véhicules électriques. Les dépôts d’oxydes de fer-apatite (IOA), historiquement exploités pour leurs ressources en fer, suscitent un intérêt croissant pour leur potentiel à héberger des concentrations économiques d’ETR. Cependant, la genèse des gisements IOA demeure contestée, aucun modèle ne parvenant à expliquer de manière satisfaisante leur formation. De plus, les processus responsables de la concentration des ETR dans les systèmes IOA sont rarement étudiés et demeurent mal compris.

Le gîte IOA de Kwyjibo, situé à 120 km au NE de Sept-Îles dans la ceinture Allochthone de la Province de Grenville, se distingue par ses valeurs appréciables en ETR, avec des ressources estimées à 6,92 Mt à une teneur moyenne de 2,72 % d’oxydes de terres rares totales. Il représente ainsi le plus grand gisement IOA connu à ce jour pour sa teneur en ETR et représente un cas unique permettant d’étudier les processus responsables de l’enrichissement économique en ETR dans les systèmes à oxyde de fer-apatite.

Nous proposons que les roches à magnétite-apatite de Kwyjibo, encaissées dans le leucogranite du Complexe de Canatiche (~1,17 Ga), sont contemporaines à celui-ci et se sont mises en place durant l’Orogenèse grenvillienne. Les données géochimiques et isotopiques Sm-Nd suggèrent que le leucogranite de Canatiche s’est formé à la suite de la cristallisation fractionnée d’un magma d’origine mantellique dans un milieu tectonique d’extension avec une contamination crustale limitée. Les roches à magnétite-apatite sont interprétées comme d’origine magmatique, une conclusion soutenue par les données préliminaires des isotopes du fer, et représentent des cumulats précoces issus de ce magma. Lors de la phase de Rigolet de l’Orogenèse grenvillienne (~980 Ma), un événement hydrothermal de plus basse température a entraîné la mobilisation des ETR dans l’apatite, les concentrant à des niveaux économiques sous la forme de britholite, de ferriallanite, d’andradite et de titanite.

Ces résultats démontrent l’origine magmatique-hydrothermale du gîte de Kwyjibo et permettent d’établir un lien génétique entre les gisements IOA riches en ETR et les granites de type A d’origine mantellique. Ils soulignent également les défis liés à la compréhension de l’origine et de l’évolution des gîtes métallifères dans les terrains de haut grade métamorphique. La compréhension de ces processus est essentielle pour optimiser l’exploration des ETR dans les dépôts IOA dans la Province de Grenville et dans d’autres régions géologiquement similaires.

Arianne Phosphate Inc., une société minière dont le siège social est situé à Saguenay (Québec), développe un projet de production de phosphate au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Arianne est ainsi propriétaire du gîte de phosphate du Lac à Paul, un projet pleinement autorisé et prêt à être construit localisé à 200 km au nord de la ville de Saguenay. Cet actif constitue l’un des plus grands gisements d’apatite non développés au monde et est en mesure de produire un concentré de phosphate respectueux de l’environnement. En raison de sa haute pureté et de sa faible teneur en contaminants, le phosphate d’Arianne peut être utilisé pour produire des engrais ainsi que dans des applications particulières telles que l’alimentation humaine ou animale et les batteries lithium-fer-phosphate.

La Province de Grenville n’est pas vraiment reconnue pour son potentiel minéral. Cette perception prend notamment sa source dans l’aura de complexité géologique qui la caractérise ainsi que l’idée qu’elle constitue une tranche de croûte profonde et donc entièrement composée de gneiss de haut grade métamorphique. Plusieurs études récentes démontrent que la tectonique de la Province de Grenville n’est pas plus complexe que d’autres orogènes. Parmi les quelques résultats et hypothèses qui rehaussent l’attrait de cette province géologique pour l’exploration minérale, mentionnons :

- la dernière phase de l’Orogénie grenvillienne était très importante et a entraîné une fonte massive de la croûte archéenne;

- la présence de larges domaines ayant échappé au métamorphisme grenvillien, certains contenant des arcs volcaniques. Ces domaines font donc partie de la croûte supérieure;

- une nouvelle hypothèse tectonique qui suggère la présence d’une zone de suture majeure traversant toute la Province de Grenville.

La minéralisation de Ni-Cu du Lac Brulé a été découverte par SRQ à 50 km au nord-ouest de l’ancienne mine Renzy, dans la région des Hautes-Laurentides au Québec. La mine Renzy a été exploitée pour le Ni-Cu de 1969 à 1972. Ces deux sites minéralisés présentent plusieurs similitudes frappantes, notamment du point de vue de la minéralogie, de la pétrologie et de la période de mise en place.

Le secteur du lac Brûlé n’avait jamais fait l’objet de prospection avant l’arrivée de SRQ. En 2023 et 2024, la compagnie a réalisé 28 forages totalisant 7252 m, ce qui a permis de délimiter un corps minéralisé de 580 m sur 100 m à environ 120 m de profondeur. Un forage supplémentaire, exécuté dans le secteur « Target 900 » à 6 km à l’ouest de la découverte originale, a recoupé un intervalle de 951 m d’une intrusion mafique-ultramafique comprenant 740 m de pyroxénite non déformée. L’intrusion se poursuit en profondeur et peut être suivie en surface sur plus de 25 km. La forme du complexe intrusif a été définie à l’aide d’une combinaison de levés magnétiques et de cartographie géologique détaillée qui a permis d’identifier plus de 160 affleurements d’anorthosite-leucogabbro et 25 affleurements de pyroxénite.

La minéralisation de Ni-Cu du Lac Brûlé est caractérisée par une structure de cumulat et la présence d’agrégats de pyrrhotite, de chalcopyrite et de pentlandite. La pyrrhotite constitue le sulfure dominant en association avec la chalcopyrite. La pentlandite est mélangée avec la pyrrhotite. La minéralisation sulfurée varie de disséminée à semi-massive à massive (> 80 % de matériel sulfuré) et montre des structures en filet ou bréchiques interstitielles aux cristaux de pyroxène et d’amphibole. De minces niveaux de sulfures massifs sont intercalés dans la séquence et sont localement associés à des xénolites riches en grenat. La découverte du Lac Brûlé suggère un fort potentiel pour la découverte d’unités minéralisées additionnelles dans des intrusions mafiques.

L’intrusion du secteur « Target 900 » coïncide avec une forte anomalie de gravité de 3 km sur 2 km commençant à 600 m de la surface, ainsi qu’avec conducteur électromagnétique commençant à 500 m sous la surface, ce qui suggère de possibles extensions en profondeur et latérales.

Le graphite constitue un minéral industriel dont la valeur dépend de sa qualité, notamment de la taille des paillettes. Comme ces dépôts ne sont pas homogènes, la répartition granulométrique du minerai est variable à l’échelle du dépôt et doit être anticipée dans le calcul de ressources et le plan de minage dans le but d’optimiser la production en fonction des demandes particulières des clients. Cette conférence traitera de la mise au point d’une méthode permettant de prédire la distribution de la taille des paillettes de graphite à partir des échantillons de forage et son impact sur l’estimation des ressources.