La Province de Grenville présente une géologie complexe et des minéralisations variées. Cette session offre l’occasion de rassembler et de discuter des grands modèles de formation de cette province à grand potentiel en métaux, en minéraux industriels et en pierre architecturales. Elle a pour but de présenter les derniers résultats et avancées des travaux de Géologie Québec, ainsi que des partenaires universitaires et de l’industrie. Les résultats finaux des plus récents travaux de cartographie réalisés dans le Grenville à l’été 2023 seront également présentés.
Géologie et métallogénie du Grenville : cartographie, modèles et avancées en exploration
Mardi le 19 novembre 2024
Salle 403
Arrivé au Québec en 1967, Maurice Rive a consacré une dizaine d’années à cartographier la partie ouest de la Province de Grenville à l’emploi du ministère des Ressources naturelles du Québec.
Nommé géologue résident peu de temps après la publication de son rapport consacré à la région de Sainte-Véronique, Maurice Rive est responsable du bureau régional de Rouyn-Noranda. Cet expert en géologie est alors devenu l’interlocuteur privilégié des prospecteurs actifs dans la ceinture des roches vertes de l’Abitibi.
À cette époque, il s’est impliqué dans des activités de promotion qui ont culminé avec l’organisation du symposium de l’ICM intitulé La ceinture polymétallique du Nord-Ouest québécois. Les conférences prononcées durant ce congrès devant plus de 400 personnes à Rouyn-Noranda furent publiées sous la forme d’un prestigieux document de référence de 423 pages très apprécié des géologues d’exploration.
En 1990, les succès professionnels de Maurice Rive lui méritent le prix de promotion décerné pendant le Séminaire d’information sur la recherche géologique.
Après quelques années en poste au bureau régional des Mines de Sherbrooke, Maurice Rive a pris sa retraite en 1997. Jusqu’à la fin de sa longue vie, il travaillait encore à fignoler une carte géologique chevauchant la limite entre la ceinture de roches vertes de l’Abitibi et la Province de Grenville. C’est en reconnaissance de ses travaux et en hommage à sa ténacité hors du commun que cette séance lui est dédiée aujourd’hui.
13 h 45
L’environnement géotectonique de mise en place des massifs anorthositiques protérozoïques du Bouclier canadien
Consultant en géosciences
Les massifs anorthositiques (massif-type anorthosites) sont présents à l’échelle mondiale et ont été formés en grande partie durant le Paléoprotérozoïque et le Mésoprotérozoïque. Ces intrusions se trouvent principalement dans la Province du Grenville, ainsi que dans les provinces adjacentes du SE du Churchill et de Nain. Leur nature particulière et leur distribution dans le temps implique que cet épisode d’intrusion était caractérisé par des conditions particulières (conditions physiques et composition de la croûte terrestre et du manteau sous-jacent). Les données géologiques et géochronologiques indiquent que ces massifs se sont mis en place durant quatre périodes bien définies autour de 1650 Ma, 1,45 à 1,30 Ga, 1,16 à 1,14 Ga, et 1,08 à 1,02 Ga. Les deux premiers épisodes coïncident avec un environnement de marge convergente continent-océan où ces massifs ont été mis en place dans la plaque supérieure (Laurentia) lors de la subduction de la croûte océanique principalement vers le NNW (coordonnées présentes). Les deux dernières périodes correspondent à la phase collisionnelle de la Province du Grenville, notamment les orogènes de Shawinigan et Ottavienne. La rareté de massifs anorthositiques au Paléoprotérozoïque (période où la tectonique de marge océan-continent est pourtant bien connue) suggère que les températures mantelliques élevées du Précambrien n’étaient pas suffisantes à elles seules pour produire les grands volumes de basalte nécessaires à leur formation. Nous proposons qu’en plus des températures élevées, d’autres facteurs ont été nécessaires pour produire ces magmas, tels que la refertilisation du manteau par le métasomatisme ou l’accrétion latérale d’une lithosphère océanique enrichie. Les gradients géothermaux élevés associés à la phase d’accrétion et d’arc continental entre 2,0 à 1,2 Ga ont pu exercer une influence sur la production des anorthosites grenvilliennes (1,16 à 1,0 Ga).
14 h 15
L’évolution métamorphique de la Province de Grenville, une facette négligée de la formation de certains gisements de minéraux critiques et stratégiques
La Province de Grenville est l’objet d’un intérêt grandissant pour l’exploration de minéraux critiques et stratégiques, même si sa complexité lithologique, structurale et métamorphique a longtemps limité l’exploration des ressources minérales. Puisque plusieurs types de minéralisation sont contrôlés par des processus métamorphiques ou par les contextes tectonique et magmatique, il est crucial de bien caractériser ces aspects de l’évolution de cette province géologique afin d’améliorer les possibilités de découverte. La pétrochronologie in situ sur monazite, xénotime et grenat permet de mieux contraindre l’évolution temporelle des épisodes d’enfouissement, de refroidissement et d’exhumation. Des projets en cours à l’INRS visent à caractériser l’évolution métamorphique de la Province de Grenville centrale afin de mieux comprendre le cadre tectonique lié à des minéralisations en éléments des terres rares (ETR) et en graphite de ce secteur.
Dans la région de la Haute-Mauricie, des pegmatites granitiques et des suites intrusives alcalines riches en ETR se sont mises en place à 1060 à 970 Ma et 1040 à 980 Ma, respectivement. Nos résultats préliminaires démontrent que les roches métasédimentaires du Complexe de Wabash, qui encaissent en partie ces intrusions, ont été enfouies, métamorphisées et déformées au faciès supérieur des amphibolites à celui des granulites juste avant et au début de la mise en place des pegmatites à ETR, ce qui est compatible avec un modèle d’épaississement crustal suivi de l’épisode d’anatexie à l’origine de ces minéralisations. Localement, la cristallisation de la monazite implique que le métamorphisme prograde a commencé vers 1150 Ma. Une surcroissance de grenat tardive à ≈1000 Ma est reconnue dans certains échantillons, tandis que d’autres sont caractérisés par une déstabilisation du grenat durant cette période, impliquant une hétérogénéité des conditions métamorphiques pendant l’Orogénie de Rigolet en Haute-Mauricie. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus en Mauricie, bien que le refroidissement et l’exhumation semblent avoir débuté plus tôt dans cette dernière région.
Un autre projet vise les gisements de graphite de Matawinie, La Loutre et Miller. Les observations de terrain et pétrographiques indiquent que la minéralisation à Matawinie est liée à plusieurs évènements métamorphiques qui ont affecté le Terrane de Morin à l’ouest de la Mauricie. Le projet en cours étudiera l’influence des conditions, du nombre et de la durée des épisodes métamorphiques et d’anatexie sur la formation du graphite en paillettes. La caractérisation des processus métamorphiques doit être intégrée à l’interprétation du contexte tectonique pour mieux comprendre la genèse de certains types de minéralisation dans la Province de Grenville.
14 h 40
Géologie de la région de Kegaska, Province de Grenville, Côte-Nord, Québec, Canada
MRNF
Coauteur : Isabelle Lafrance (MRNF)
La campagne de terrain de 2023 a consisté en la cartographie à l’échelle 1/50 000 de la région de Kegaska (feuillet SNRC 12K03 et bordure sud du feuillet 12K06). Une nouvelle subdivision lithodémique de la région côtière située entre la rivière Kegaska, à l’ouest, et la rivière Muquanousse, à l’est, est présentée. À l’exception d’une bande kilométrique de roches métasédimentaires du Complexe de Coude, ce secteur expose en majeure partie des roches plutoniques de composition intermédiaire à felsique.
L’unité la plus ancienne, la Suite intrusive de Kegaska, affleure principalement au SW et est formée de monzodiorite quartzifère, de granodiorite et de monzogranite foliés, à grain moyen et couramment à porphyroïdes. Cette unité est coupée par endroits par la Granodiorite de Muddy et est bordée au NE par l’Intrusion de Grozieux composée de syénite quartzifère œillée modérément à fortement foliée. Les proportions de ces unités diminuent dans le quart oriental de la carte au profit de la syénite à hypersthène de la Suite intrusive de Mantuh, dans laquelle s’injectent les roches intrusives leucocrates, intermédiaires à felsiques et peu déformées de la Suite intrusive de Muquanousse. L’ensemble de ces unités est coupé par la monzonite, la syénite et le syénogranite formant la Suite intrusive de Washicoutai qui regroupe aussi les intrusions de Rocher Rouge et de Parsons.
Trois grandes zones de déformation ductile NW-SE à E-W, de plusieurs centaines de mètres à quelques kilomètres de largeur, découpent la région. La rivière Musquaro longe la plus orientale de ces zones de déformation. Celle-ci délimite l’Intrusion gabbroïque de Musquaro et sépare un domaine oriental caractérisé par la présence commune d’orthopyroxène et par une structure en dômes et bassins, d’un domaine occidental montrant des fabriques planaires à vergence quasi unidirectionnelle vers le sud ou le SE. Du point de vue économique, certaines phases de la Suite intrusive de Washicoutai, dont l’Intrusion de Rocher Rouge, présentent un intérêt pour les minéralisations en éléments de terres rares Le potentiel de l’Intrusion gabbroïque de Musquaro pour les minéralisations de platinoïdes et de Fe-Ti ± V ± P reste aussi à préciser.
15 h
Le dépôt d’apatite de Bégin-Lamarche, Suite anorthositique de Lac Saint-Jean, Province de Grenville : sommaire géologique et bilan des travaux d’exploration
Laurentia Exploration
Le dépôt d’apatite de Bégin-Lamarche est situé à ~40 km au NNW de la ville de Saguenay (Québec), sur le territoire de la municipalité de Bégin. Il a été découvert en 2021 par des prospecteurs locaux. La propriété a ensuite été acquise par la compagnie First Phosphate en 2022. Depuis, 30 647 m de forage au diamant y ont été réalisés et un échantillon en vrac a fait l’objet d’essais métallurgiques visant à déterminer la pureté de l’apatite en vue de produire de l’acide phosphorique purifié (H3PO4) pour la fabrication de batteries LFP (lithium-fer-phosphore).
Le dépôt d’apatite de Bégin-Lamarche est situé au cœur de la Suite anorthositique de Lac-Saint-Jean, dans la Province de Grenville. Il s’étend sur approximativement 2,5 km selon un axe NNE-SSW et est composé de plusieurs niveaux riches en apatite qui lui confèrent une épaisseur projetée en surface atteignant 400 m. Le dépôt a été subdivisé en 3 principales zones (du sud vers le nord) : la Zone Sud, la Zone Nord et la Zone Montagne. Les meilleures intersections proviennent des zones Nord et Montagne et titrent plus de 10 % P2O5 sur des longueurs atteignant 99 m. Comme annoncé le 18 septembre 2024, les ressources inférées des 3 zones combinées sont de 214 Mt à 6,01 % P2O5, incluant 162,9 Mt à 5,63 % P2O5 dans la Zone Sud, 44,3 Mt à 6,98 % P2O5 dans la Zone Nord et 6,8 Mt à 8,57 % P2O5 dans la Zone Montagne. De plus, le dépôt contient des ressources indiquées de 41,5 Mt à 6,49 % P2O5 dans les zones Nord et Montagne combinées.
L’apatite est associée à des oxydes de fer-titane (magnétite et ilménite), mais également à de l’olivine et/ou de l’orthopyroxène. On la trouve dans 2 lithologies principales, la péridotite à oxydes-apatite et la norite/orthopyroxénite à oxydes-apatite, lesquelles sont encaissées dans des roches riches en plagioclase (anorthosite, leuconorite et troctolite). L’apatite est localement massive et se présente sous la forme de niveaux métriques d’apatitolite titrant jusqu’à 30,73 % P2O5 sur 2,15 m (Zone Montagne). Ces roches à apatite contiennent également du clinopyroxène, de l’amphibole, de la biotite, de la chlorite et de l’hercynite en quantités accessoires.
15 h 20
Cartographie et exploration dans la Suite anorthositique de Lac-Saint-Jean à l’aide de la géochimie minérale par XRF portatif, une petite révolution
Déterminer la répartition spatiale des faciès anorthositiques dans les différentes suites anorthositiques de la Province de Grenville est essentiel pour mieux comprendre la structure interne de ces entités géologiques complexes et multiphasées, comme la Suite anorthositique de Lac-Saint-Jean, qui peuvent totaliser plus de 20 000 km2 en superficie. La cartographie de la distribution de la composition chimique des minéraux dominants de ces complexes, en complément de la cartographie de terrain traditionnelle, constitue une toute nouvelle couche d’information qui se révèle des plus intéressante pour mieux comprendre et explorer ces intrusions potentiellement riches en Fe-Ti-V-P et même Ni-Cu.
La composition du plagioclase (teneur en anorthite, An) dans les anorthosites varie généralement de labradorite (An50-70) à l’andésine (An30-50) et peut être utilisée pour cartographier et identifier les différents lobes de ces suites. Dans ces intrusions, les gîtes de Fe-Ti-P sont généralement liés aux lobes composés de plagioclase de type andésine, alors que ceux de Fe-Ti-V sont plutôt associés à un plagioclase de type labradorite.
Le développement d’une nouvelle méthode d’analyse par fluorescence-X portative (XRFp) à l’UQAC permet maintenant de mesurer in situ la calcicité et la concentration en strontium du plagioclase, et même plus récemment Mg# de l’olivine et des pyroxènes, directement sur une tranche de roche. La calcicité du plagioclase est traditionnellement calculée en utilisant le Ca/(Ca+Na) molaire. En raison de son faible poids atomique, il est difficile d’obtenir des lectures de Na par XRFp. Toutefois, en se basant sur le concept de double substitution (Ca-Na, Si-Al) dans les plagioclases, nos travaux ont permis de mettre au point un substitut de la calcicité juste et précis en utilisant le rapport Ca/Si mesuré par XRFp. Cette méthode permet des analyses rapides, précises et très peu coûteuses qui peuvent être effectuées avec une préparation minimale dans un laboratoire de terrain sur des grains de >3 mm de diamètre. Cette cartographie minéralogique peut être utilisée comme outils de cartographie de « terrain » au quotidien pour guider et/ou confirmer la cartographie et l’exploration traditionnelle.
Plusieurs exemples combinant la cartographie régionale à la cartographie de la composition du plagioclase par XRFp seront présentés pour différents secteurs de la Suite anorthositique de Lac-Saint-Jean. Nous montrerons que la calcicité du plagioclase, associée à la teneur en Sr, permet d’identifier différents lobes d’âges et de chimies distinctes au sein d’une même suite. Ces exemples démontrent la puissance de ce nouvel outil de cartographie dans les complexes anorthositiques du Grenville ainsi que son utilité pour l’identification de lobes anorthositiques et des secteurs propices aux minéralisations dans ces intrusions.
15 h 40
Géologie de la région du lac Jalobert, Province de Grenville, région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec, Canada
La région du lac Jalobert (feuillets SNRC 22D10 et 22D15) fait partie de l’Allochtone de la Province de Grenville. Ce secteur a fait l’objet d’un levé géologique à l’échelle 1/50 000 au cours de l’été 2023.
Le socle cristallin de la région est formé par le Complexe gneissique du Saguenay (1506 ±13 Ma) constitué de paragneiss à biotite-grenat-sillimanite-cordiérite, de quartzite à grenat-cordiérite et de roches calcosilicatées. Ces roches, dérivée d’une croûte supérieure tonalitique, se retrouvent en lambeaux dans le Complexe gneissique du Cap à l’Est (1391 +8/-7 Ma) d’affinité calco-alcaline à shoshonitique qui occupe la partie sud-est du feuillet 22D10. Ces deux unités sont injectées par de nombreuses intrusions et sont coupées par des dykes de pegmatite granitique à syénitique.
La région cartographiée est occupée par un grand volume de roches mafiques à ultramafiques, dont la Suite anorthositique de Lac-Saint-Jean (SALSJ, 1169 à 1135 Ma), l’Anorthosite de Vanel (AV, 1080 ±2 Ma) et l’Anorthosite de Mattawa (AM, 1016 ±2 Ma). La SALFJ couvre une grande partie des feuillets 22D10 et 22D15, l’AV au centre et au nord du 22D15 et l’AM au nord-est du 22D15. L’AV est calco-alcaline avec des cristaux de plagioclase rose de composition principalement labradorite. La SALSJ (3,28 < [La/Yb]N < 191,94) et l’AM (10,90 < [La/Yb]N < 123,24) sont tholéiitiques à calco-alcalines. Ils se caractérisent par des mégaporphyroclastes de plagioclase violacé de composition andésine à labradorite qui, une fois recristallisés, prennent une teinte blanchâtre parallèlement à la diminution de la granulométrie (cristaux millimétriques).
Les unités de composition felsique à intermédiaire regroupent la Mangérite de Chicoutimi (1082 ±3 Ma) au sud-ouest du 22D10, la Mangérite de Poulin-de-Courval (1068 ±3 Ma) à l’est du 22D15, le Granite de La Baie (1067 ±4 Ma) au sud du 22D10 et la Mangérite de La Hache (1010 ±3 Ma). La Mangérite de Chicoutimi (23,08 < [La/Yb]N < 111,40) est ferrifère et appartient à la série shoshonitique, alors que les mangérites de Poulin-de-Courval (10,24 < [La/Yb]N < 170,61) et de La Hache (9,79 < [La/Yb]N < 63,53) sont de composition calco-alcaline, calco-alcaline riche en K et surtout shoshonitique.
Les roches de la région ont connu plusieurs phases de déformation et sont coupées par des failles et des zones de cisaillement dont la plus importante est la Zone de cisaillement de Saint-Fulgence. Celle-ci, d’orientation NE-SW, forme la bordure de la SALSJ et se poursuit vers le NE sur plus de 100 km. Cette structure influence grandement le grain structural régional, essentiellement orienté NE-SW, et contrôle la mise en place de plusieurs intrusions. La dernière phase de déformation est associée à l’ouverture du graben du Saguenay.
Le métamorphisme régional est au faciès des granulites. On observe par endroits un métamorphisme rétrograde marqué par l’ouralitisation des orthopyroxènes dans les leuconorites de la SALSJ.
Des minéralisations d’oxydes de Fe-Ti-V ont été mises au jour en bordure de la Suite anorthositique de Lac-Saint-Jean dans le feuillet 22D10. Une importante zone minéralisée en ETR a été également identifiée dans les granites à feldspath alcalin du Complexe gneissique du Cap à l’Est, au contact avec les roches métasédimentaires du Complexe gneissique du Saguenay, ainsi que dans des dykes de pegmatite granitique à l’est dans le feuillet 22D10.
16 h