Méthodes d’exploration
Les kimberlites forment généralement des essaims associés à de grandes fractures profondes (ou failles) et à l’intersection de grandes zones de faiblesse de la croûte terrestre. Ces fractures et ces zones de faiblesse ont permis la montée de magma kimberlitique dans la croûte. Elles peuvent être détectées au moyen de levés magnétiques et gravimétriques, de levés topographiques ou par télédétection. Elles apparaissent sous la forme de grands linéaments sur les cartes et images-satellite.
Levés géophysiques
Depuis les années 1950, le levé magnétique aéroporté est une des méthodes les plus utilisées dans l’exploration pour les kimberlites (Atkinson, 1989). Plus récemment, les techniques électromagnétiques aéroportées (Urquhart et Hopkins, 1993; Carlson et Marsh, 1989 ) ont été utilisées avec succès dans les Territoires du Nord-Ouest (Smith et al.; 1993; Buckle, 1993; Fipke et al., 1995; Saint-Pierre, 1999). La combinaison d’un levé magnétique et d’un levé aéromagnétique permettrait d’identifier davantage de cheminées qu’un levé magnétique seul (Da Costa, 1989; Smith et al., 1993).
Les kimberlites renferment entre 5 et 10 % d’oxydes de fer, soit de la magnétite, de l’ilménite ou tout autre composé intermédiaire (Macnae, 1979; Urquhart et Hopkins, 1993; Saint-Pierre, 1999). Une grande partie de la magnétite provient de la serpentinisation de l’olivine, une des composantes majeures des kimberlites. Ces minéraux procurent une susceptibilité magnétique généralement supérieure à la majorité des roches présentes dans les cratons archéens, tels les granitoïdes, les orthogneiss et les paragneiss.
Étant donné la forme généralement quasi-circulaire des cheminées, les anomalies magnétiques ont communément des formes concentriques. L’amplitude des anomalies aéromagnétiques varie entre 0 et 1000 nanoteslas, les valeurs s’échelonnant le plus souvent entre quelques dizaines et quelques centaines (Macnae, 1995).Plusieurs cheminées de kimberlite étant multiphasées, la susceptibilité magnétique des différents faciès y est très variable. Les anomalies magnétiques ont alors des géométries complexes (Atkinson, 1989; MacFayden, 1993). Les anomalies peuvent être négatives ou positives et, localement, très rapprochées (Sage, 1996; Saint-Pierre, 1999). Quelques intrusions de kimberlites et de lamproïtes diamantifères n’engendrent pas d’anomalies magnétiques (Atkinson, 1989; Brummer et al., 1992; Fipke et al., 1995).
Pour un programme d’exploration de cheminées de kimberlite diamantifère de 100 m à 1000 m de diamètre (moyenne de 300 m), l’espacement optimal des lignes de vol du levé aéromagnétique serait de 100 m, mais un espacement de 200-250 m est considéré comme adéquat (Urquhart et Hopkins, 1993).
En général, le coût des levés aéroportés augmente exponentiellement avec le rapprochement des lignes. Le coût de levés magnétiques ou électromagnétiques espacés de 100 m est très élevé. La mise de fonds pour ce type d’exploration devient rapidement exorbitante. Il importe donc d’utiliser d’autres techniques afin de cibler l’endroit où effectuer ces levés. La technique généralement utilisée consiste en l’identification de minéraux indicateurs dans la fraction lourde des sédiments glaciaires.
Minéraux indicateurs
La concentration en diamant dans les mines les plus riches se situe entre 3 et 5 carats par tonne, soit une teneur inférieure à une partie par million. À une telle concentration, le diamant, totalement invisible à l’œil nu, ne représente qu’un minéral très accessoire par rapport aux autres minéraux composant la roche hôte. Il est donc beaucoup plus utile de chercher des minéraux très caractéristiques, dits « minéraux indicateurs », qui seront présents en plus grande quantité dans la roche. Par exemple, certaines péridotites peuvent contenir jusqu’à 80 % de grenats, faisant de ce minéral un indicateur de choix.
Les principaux « minéraux indicateurs de kimberlite » (MIK) sont :
- le grenat pyrope;
- le diopside chromifère;
- l’ilménite magnésienne;
- la chromite;
- l’olivine très magnésienne (fragile, faible préservation et donc peu utilisée);
- la pérovskite et le niobotantalite, dans une moindre mesure.
Les minéraux indicateurs de lamproïte sont différents de ceux des kimberlites. Selon Fipke et al. (1995), les minéraux indicateurs pourraient être :
- l’ilménite magnésienne et l’ilménite manganésienne chromifère en forme de soucoupe;
- le zircon faible en uranium et en thorium;
- l’orthopyroxène (enstatite) très magnésien et faible en FeO, Al2O3, CaO, Na2O;
- le clinopyroxène (diopside chromifère) potassique;
- le corindon, soit titanifère ou chromifère;
- le rutile riche en niobium;
- les tourmalines arrondies riches en K2O et en TiO2.
L’observation de ces minéraux dans un concentré de minéraux lourds constitue donc une bonne indication de la proximité d’une intrusion de kimberlite ou de lamproïte.
Autant pour les kimberlites que les lamproïtes, les « minéraux indicateurs » doivent présenter une composition chimique bien précise reflétant les conditions de pression, de température et d’oxydoréduction qui prévalent lors de la formation ou la préservation du diamant. Il est donc important d’analyser chimiquement le plus grand nombre de « minéraux indicateurs » possible afin de s’assurer que plusieurs grains possèdent la bonne composition chimique. Ceci engendre inévitablement des coûts importants d’analyses et d’interprétation des résultats.
Minéraux traceurs
Cette méthode est la plus employée en exploration pour le diamant, surtout lors des premières étapes de l’exploration, bien avant les méthodes géophysiques compte tenu de leur coût élevé. Utilisée pour la première fois en 1902 pour la cheminée « Premier » en Afrique du Sud, la méthode des minéraux libérés dans l’environnement secondaire (sols, ruisseaux, rivières…) consiste à rechercher des minéraux caractéristiques associés aux kimberlites diamantifères et à remonter à leur source (Bari, H., 2001).
Dans les territoires nordiques, les glaciers ont érodé les roches kimberlitiques, dispersant ainsi les minéraux composants ces roches sur de grandes distances, soit dans les tills ou dans les eskers. L’étude des mouvements de déplacement des glaciers durant le Wisconsinien (100 000 ans) fournit des informations sur les directions ainsi que sur les distances parcourues par les glaciers, permettant de remonter jusqu’à la source de la dispersion. Plusieurs campagnes d’échantillonnage selon des grilles plus ou moins serrées seront nécessaires dépendamment du degré d’avancement des travaux. Ces campagnes d’échantillonnage s’échelonneront sur plusieurs années. Elles sont aussi difficiles d’exécution et très dispendieuses.
Certains minéraux indicateurs sont des « minéraux lourds » (densité supérieure à 3,2 g/cc) qui se concentrent dans des pièges ou dans les cours d’eau. Ils sont récupérés en utilisant diverses méthodes de concentration physiques, telles la table de Wifley, les liquides lourds ou le séparateur magnétique.
Il peut être hasardeux de n’utiliser qu’une seule méthode pour identifier les kimberlites. Dans les régions affectées par la glaciation, tel le Québec, les étapes de l’exploration pour le diamant doivent consister en :
- un échantillonnage de basse densité des sédiments fluvio-glaciaires pour trouver les minéraux indicateurs;
- un échantillonnage de haute densité des sédiments glaciaires environnants pour trouver les minéraux indicateurs;
- un suivi sur le terrain de toutes les anomalies importantes sélectionnées à partir de données aéroportées de haute résolution;
- des travaux de géophysique au sol sur les anomalies magnétiques de haute priorité qui coïncident avec les teneurs très élevées en minéraux indicateurs dans les sédiments glaciaires environnants.
Références
ATKINSON, W.J., 1989. Diamond exploration philosophy, practice, and promises: a review. Dans : Kimberlites and Related Rocks, vol. 2 : Their Mantle/Crust Setting, Diamonds and Diamond Exploration, Geological Society of Australia Special Publication No14, pp. 1108-1116. (Proceedings of the Fourth International Kimberlite Conference, Perth, WA, 1986).
Bari , H., 2001. Histoires minières du diamant. Dans : Diamants, Au cœur de la terre, au cœur des étoiles, au cœur du pouvoir, sous la direction de Hubert Bari et Violaine Sautter, Musée de la civilisation, Québec.
BRUMMER, J.J., MacFAYDEN, D.A., PEGG, C.C., 1992. Discovery of kimberlites in the Kirkland Lake area, northern Ontario, Canada; Part II, Kimberlite discoveries, sampling, diamond content, ages and emplacement. Journal of Exploration and Mining Geology, vol. 1, no 4, p. 351-370.
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FIPKE, C.E., GURNEY, J.J., MOORE, R.O., 1995. Diamond exploration techniques emphasising indicator mineral geochemistry and Canadian examples. Geological Survey of Canada, Bulletin 423, 86 p.
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SAGE, R.P., 1996. Kimberlites of the Lake Timiskaming Structural Zone. Ontario Geological Survey, Open File Report 5937, 435 p.
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SMITH, R.S., ANNAN, A.P., LEMIEUX, J., PEDERSEN, R.N., 1993. Exploration for kimberlites : A review of geophysical exploration methods with examples from Point Lake, NWT, using optimized GEOTEM system. Geoterrex, document interne, 13 p.
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