L’Info-Mines

Un marché favorable pour le développement de la filière graphite au Québec ?

Le graphite naturel est une substance exploitée et transformée au Québec depuis plusieurs années, bien qu’en relativement faible quantité. Il a différentes applications, mais c’est surtout son rôle dans l’électrification des transports qui retient l’attention. Identifié comme un des minéraux d’avenir du Québec, le graphite est un des éléments essentiels aux politiques gouvernementales telles que le Plan pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques (PQVMCS) 2020-2025 et la Stratégie québécoise de développement de la filière batterie.

Qu’en est-il de la production et de la transformation du graphite au Québec ? Est-ce que les conditions de marché actuelles et à venir sont favorables à un développement local de cette filière ?

Usages et provenance du graphite

Le graphite naturel est utilisé pour diverses applications, mais d’ici 2030, on prévoit que plus de 75 %[1] de son marché à l’échelle mondiale sera concentré dans les batteries lithium-ion (Li-ion). En effet, le graphite est la principale composante de l’anode de batterie Li-ion. Pour une batterie complète, le graphite représente plus ou moins 50 % de l’ensemble des matériaux utilisés et environ 10 % de son coût total.

On retrouve deux types de graphite sur le marché : le graphite naturel et le graphite synthétique. Le graphite naturel sous forme de paillettes est la forme la plus fréquemment exploitée. Ce type de graphite est principalement utilisé dans l’industrie des matériaux réfractaires, des fonderies ou encore des batteries[2] et son utilité variera en fonction de la taille des paillettes, du niveau de pureté et du niveau de transformation. Son utilisation dans la batterie Li-ion nécessite certaines étapes de transformation afin de purifier et sphéroniser la paillette.

Les utilisations du graphite synthétique, considéré moins vert que le graphite naturel, diffèrent généralement, sauf dans le cas de la batterie Li-ion où il concurrence le graphite naturel. La Chine produit à l’échelle mondiale plus de 70 % du graphite naturel, mais également plus de 50 % du graphite synthétique et plus du 90 % du graphite sphéronisé.[3]

Marché du graphite actuel et position du Québec

Le Québec est actuellement le seul producteur de graphite naturel au Canada et représente environ 1 % de la production mondiale[4]. Toutefois, certains projets miniers d’extraction de graphite pourraient éventuellement voir le jour dans les prochaines années, si les conditions essentielles sont respectées.

La province possède environ 1,5 % des réserves mondiales connues de graphite, soit environ 5 000 kt[5]. À moyen terme, le Québec pourrait potentiellement fournir jusqu’à 10 % de la production mondiale de graphite naturel[6].

Plusieurs facteurs influenceront la mise en production de ces gisements, dont leur acceptabilité sociale. Parmi les autres facteurs, les perspectives économiques sont également déterminantes pour la réalisation des projets.

Les prix du graphite en paillette sont relativement stables depuis les dernières années. Pour les principales grosseurs disponibles sur le marché, les prix se situent généralement entre 750 $ US la tonne et 1 500 $ US la tonne, en fonction de la grosseur et du niveau de pureté.[7]

Bien que le graphite naturel bénéficie, tout comme le lithium, de la croissance du marché des véhicules électriques, ses prix sont demeurés relativement stables en raison de la concurrence du graphite synthétique sur le marché des batteries Li-ion.

Certains producteurs potentiels au Québec envisagent effectuer eux-mêmes une première transformation du graphite au Québec pour fournir l’industrie nord-américaine de la batterie. C’est le cas de Nouveau Monde Graphite, avec une usine prévue à Bécancour, ainsi que de Northern Graphite, qui a annoncé récemment étudier la possibilité d’implanter une usine à Baie-Comeau.

D’autres entreprises effectuent aussi la transformation du graphite afin de fournir des marchés différents. C’est le cas de NanoXplore qui produit du graphène, un produit plus niché, mais avec des perspectives d’évolution intéressantes.

Perspectives

La question est de savoir si les conditions de marché seront favorables au développement de la filière québécoise du graphite au cours des prochaines années.

Compte tenu des utilisations possibles du graphite, le marché de la batterie Li-ion demeure l’élément économique principal à prendre en compte.

L’agence internationale de l’Énergie prévoit que la demande pourrait augmenter jusqu’à 9 fois d’ici 2050 pour répondre aux objectifs des gouvernements en matière de décarbonation à l’échelle mondiale.

Mais plusieurs autres facteurs seront à surveiller et pourraient avoir un impact important, à la hausse ou à la baisse, sur la demande de graphite naturel et de ses dérivés.

 

Parmi ces facteurs, notons :

  • Le développement de nouvelles technologies de batteries et leur niveau d’utilisation du graphite;
  • Le taux d’utilisation du graphite synthétique;
  • La durée du ralentissement économique anticipé et de la période inflationniste et leur impact sur les consommateurs;
  • Les habitudes des consommateurs en termes de mobilité et de possession de véhicule et de transport;
  • La mise en place de politiques des gouvernements pour supporter la transition énergétique et la mobilité électrique et le maintien de ces politiques;
  • L’évolution des marchés plus nichés et non liés à la batterie, comme le graphène et le graphite expansible, qui montrent des perspectives intéressantes.

 

Finalement, ces derniers facteurs auront un impact sur l’offre globale de graphite au cours des prochaines années, notamment :

  • Le rythme de mise en production de nouveaux gisements;
  • Le contexte géopolitique mondial, notamment les relations avec les pays producteurs et transformateurs;
  • Le développement du recyclage.

Le marché du graphite naturel est actuellement à l’équilibre et malgré les incertitudes et les risques liés aux facteurs cités précédemment, les perspectives globales demeurent généralement positives.

Dans ce contexte, le Québec est bien positionné pour voir sa filière du graphite se développer sur son territoire au cours des prochaines années, si les conditions économiques et l’acceptabilité sociale des communautés d’accueil des projets miniers sont au rendez-vous.

 

[1] Source: Benchmark Minerals

[2] Source: Benchmark Minerals

[3] Source: Fastmarket

[4] Sources : USGS, S&P Global

[5] Sources : USGS, S&P Global

[6] Sources: S&P Global, analyse MRNF

[7] Sources: Benchmark Minerals, Fastmarket