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Jeudi 24 novembre 2022 – Salle Société du Plan Nord 301 B
La géochimie dans tous ses états! Nouveautés et perspectives pour la métallogénie et l’exploration
Cette séance sera offerte en français et en anglais.
Les dernières décennies ont été le théâtre d’améliorations fulgurantes des moyens techniques en géochimie analytique. Le raffinement et la diversification de notre lecture de la composition des roches et des fluides ont permis des avancées importantes dans divers champs de recherches sur la formation et la détection des gîtes minéraux : géochimie magmatique et fertilité des roches, traçage des processus métallogéniques, géochimie hydrothermale et quantification du métasomatisme, détection des empreintes secondaires, etc. Cette séance de conférences propose un tour d’horizon de contributions récentes et marquantes sur l’apport de la géochimie à la métallogénie et aux outils d’exploration d’aujourd’hui et de demain.
9 h
Ouverture de la séance
9 h 05
Une typologie chimique des granitoïdes (archéens et autres) : comment et pourquoi?
Détails de la conférence
La composition en éléments majeurs des granitoïdes reflète leurs propriétés minéralogiques, et elle permet de définir quelques grands types de roches. Les principaux critères à prendre en compte sont le degré de différentiation, l’aluminosité (représentée par exemple par le rapport Al/CaNa+K), les proportions relatives entre éléments formant les plagioclases et les feldspaths alcalins (par ex. Ca/Na+K), le rapport Fe/Mg et le rapport K/Na. Le dernier est particulièrement utile à l’Archéen, mais n’est pas le seul critère à considérer.
La quasi-totalité des granitoïdes Archéens sont métalumineux, et le premier critère est peu utile. On identifie alors (i) de rares granites peralumineux; (ii) des granitoïdes calciques à calco-alcaliques, sodiques (les TTG); (iii) des granitoïdes calciques à calco-alcaliques, potassiques (« granites à biotite », « TTG enrichies », etc.); (iv) des granitoïdes alcaliques à alcali-calciques, potassiques et associés à des roches basiques (les « sanukitoïdes », qu’il serait pertinent de séparer en plusieurs classes sur la base, en particulier, des rapports Fe/Mg); (v) des syénites, alcaliques et potassiques (mais généralement à quartz).
Le potentiel métallogénique des différentes lignées est différent. A l’Archéen, l’or semble plus fréquemment associé aux sanukitoïdes et aux syénites; les TTG sont peu minéralisées; les granites peralumineux sont parfois associés à des gisements Sn-W.
9 h 35
Analyse des inclusions fluides par spectrométrie de masses à sonde solide : contributions à la métallogénie et l’exploration minérale et développements futurs
Détails de la conférence
Le but de cette conférence est de présenter le développement et les avancées scientifiques d’une technique permettant l’analyse des composés volatils dans les inclusions fluides des minéralisations aurifères de type orogénique. Les contributions scientifiques et leurs implications seront détaillées. Ces résultats sont issues de l’analyse de centaines d’échantillons de veines de quartz en provenance de gisements de tous les continents mis en place durant les différentes périodes de minéralisations aurifères de type orogénique, soit l’Archéen, le Paléoprotérozoïque, le Néoprotérozoïque et le Mésozoïque.
Une première contribution scientifique a été de valider le modèle de source sédimentaire de l’or, un modèle proposé initialement par les Australiens. À partir d’échantillons du gisement de Detour Gold (Ontario - Archéen) et du district minier de Mana (Burkina Faso - Paléoprotérozoïque), il est possible de démontrer que l’éthane (C2H6) dans les inclusions fluides constitue un traceur de la maturation thermique (métamorphisme) de shales pyriteux en profondeur. Les pyrites primaires, anomales en or et autres métaux, libèrent l’or et le soufre (liant HS-) lors de la transformation métamorphique de la pyrite en pyrrhotite. Les fluides riches en CO2 dans les gisements volumineux ou très riches en or proviendraient de réactions chimiques qui consomment l’éthane, suggérant ainsi la possibilité d’une source sédimentaire. Des réactions similaires au sein des fluides hydrothermaux sont également à l’origine de la composition unique des fluides (faible en CO2, C2H6, CH4 et H2) des minéralisations mésozoïques dans les Schistes d’Otago (Nouvelle-Zélande) et appuient également une source sédimentaire. Au Néoprotérozoïque, les minéralisations aurifères du désert nubien du Soudan montrent aussi la présence d’éthane.
L’importance d’une source sédimentaire pour l’or est démontrée par le retour des minéralisations aurifères au Néoprotérozoïque après une absence relative entre 1800 et 800 Ma ("the boring period"). Cette reprise est expliquée par une modification de la chimie des océans permettant la concentration de l’or dans la pyrite nodulaire.
D’autre part, la présence d’éthane et de méthane dans les inclusions fluides semble indiquer que les hydrocarbures plus lourds et d’autres composés organiques pourraient jouer un rôle dans le transport de l’or. Dans le cas du gisement exceptionnellement riche en or de Perron (AMEX Exploration) en Abitibi, les calculs démontrent que les conditions physico-chimiques de mise en place de ce gisement se situent dans la plage optimale de solubilité de l’or dans les fluides aqueux. Toutefois, les analyses des inclusions fluides indiquent que les fluides minéralisateurs sont dépourvus d’eau. Cette absence implique des conditions particulières favorisant le transport de l’or. À Perron, nous proposons que l’or ait été transporté par des complexes Au-hydrocarbures ou sous la forme de nanoparticules d’or. Ces deux concepts sont d’actualité et font l’objet de recherches expérimentales.
Finalement, l’analyse des composés volatils dans les inclusions fluides contribue à l’avancement des connaissances sur les processus à l’origine des minéralisations de type orogénique. Cette méthode est aussi appropriée pour l’exploration, car elle permet de sélectionner les secteurs où les veines de quartz renferment des composés favorables. Avec le système actuel, le nombre d’analyses est limité à 5 échantillons par jour. Des améliorations sont en cours en collaboration avec Laurentia Exploration pour rendre la technique accessible commercialement.
10 h 20
Sources et transport des métaux dans les systèmes magmatiques-hydrothermaux actifs : perspectives soulevées par l’analyse des fluides profonds
Détails de la conférence
Les systèmes magmatiques-hydrothermaux présentent un grand intérêt en tant que sondes de la dynamique intérieure de la Terre. Ils constituent des sites de mobilisation et de redistribution des éléments dans la croûte et représentent donc une voie préférentielle de transfert des éléments des profondeurs vers la surface. Le comportement des métaux dans ces milieux a conduit à reconnaître les systèmes magmatiques-hydrothermaux actifs comme des analogues des gisements magmatiques-hydrothermaux fossiles. Bien que notre compréhension de ces systèmes se soit améliorée ces dernières années, il existe encore des incertitudes concernant les sources de fluides et de métaux, en particulier la contribution relative du dégazage du magma et des interactions eau-roche. Dans cette étude, nous combinons les données d’analyse des gaz rares et des métaux volatils dans les fluides et les roches du champ géothermique de Theistareykir (NE de l’Islande) pour mieux préciser la contribution relative de ces deux sources. Les données sur les isotopes de l’hélium suggèrent que 80 à 85 % de l’hélium provient du dégazage du magma. De même, la signature élémentaire du dégazage magmatique et de l’interaction eau-roche démontre que le fluide du réservoir géothermique profond est dominé par l’apport magmatique à 80 %, le lessivage de la roche hôte contribuant pour les 20 % restants. La libération estimée d’éléments provenant du dégazage du magma par rapport à la composition des fluides profonds montre que la source dominante des éléments est le fluide libéré par le magma, à l’exception de Mn, Fe, Co, Cu, Ti et V. Le rapport 3He/4He, corrigé pour la contamination de l’air (Rc/Ra), est corrélé positivement avec la concentration des métaux volatils et indique que le Bi et le Hg sont principalement dérivés du dégazage du magma. Les variations des rapports Rc/Ra et des teneurs en métaux volatils entre les puits suggèrent l’influence des structures locales et régionales sur le cheminement des fluides de la profondeur vers la surface.
10 h 40
Application de la multi-isotopie du soufre au traçage des gisements de SMV archéens
Détails de la conférence
Auteurs : Guillaume Barré, Crystal LaFlamme, Georges Beaudoin, Jean Goutier, Pierre Cartigny
(Université Laval)
On assume que la source du soufre des minéralisations de sulfures massifs volcanogènes (SMV) est principalement d’origine magmatique avec une contribution d’autres réservoirs, en particulier les sulfates de l’eau de mer et les sulfures des roches encaissantes. Les sulfates de l’eau de mer peuvent être incorporés dans le fluide hydrothermal grâce au phénomène de thermoréduction des sulfates (TSR), lequel peut être mis en évidence dans les sulfures massifs par des analyses multi-isotopiques du soufre (δ33S, δ34S, δ36S). Bien que l’apport de sulfates dans les gisements de SMV archéens ait déjà été suggéré, aucune preuve directe ou quantification de cette influence en fonction du type de SMV n’est disponible.
Le projet présenté ici vise à quantifier l’incorporation des sulfates de l’eau de mer lors de la formation des différents types de SMV afin de concevoir un nouvel outil de ciblage des SMV archéens. Pour cela, nous avons réalisé des analyses multi-isotopiques du soufre de gisements de SMV et d’exhalites néoarchéens faiblement à modérément métamorphisés du camp de Noranda et de la mine McLeod Deep dans le camp de Matagami. Ce dernier correspond à un SMV de type remplacement sous-marin, alors que les exhalites et les SMV du camp de Noranda sont intercalés avec des laves coussinées, indiquant un lien direct avec l’eau de mer. Nos analyses montrent que chaque type de gisement possède une signature isotopique distincte. Le dépôt de remplacement sous-marin McLeod Deep présente une signature typiquement magmatique, sans influence de sulfate d’eau de mer, avec des valeurs de δ34S et de Δ33S proches de 0 ‰ (-0,51 ‰ ±0,57 et -0,04 ‰ ±0,02, respectivement). En revanche, les exhalites du camp de Noranda donnent des valeurs de δ34S de +3,03 ‰ ±0,54 et de Δ33S = -0,78 ‰ ±0,11, qui sont interprétées comme un apport significatif de sulfate d’eau de mer. Les dépôts de SMV du camp de Noranda montrent des signatures intermédiaires entre les deux autres types avec des valeurs de δ34S de +1,34 ‰ ±0,49 et de Δ33S = -0,14 ‰ ±0,05, correspondant à une contribution moins importante de sulfate d’eau de mer. Ces variations isotopiques sont directement associées à la distance des gisements par rapport au panache de fluides hydrothermaux principal et à leur profondeur. Si le gisement est le résultat d’un remplacement sous-marin, aucune influence de sulfate n’est attendue, à l’inverse des gisements se formant sur le plancher océanique. Plus on s’éloigne du conduit hydrothermal principal, moins l’influence de l’eau de mer sera importante. Ces signatures isotopiques particulières peuvent ainsi être utilisées pour mieux localiser les gisements de SMV archéens.
11 h
Composition en éléments en traces de la chalcopyrite : variation et implications pour l’exploration minérale
Détails de la conférence
Auteurs : Enzo Caraballo (Université Laval), Georges Beaudoin (Université Laval), Sarah Dare (Université du Québec à Chicoutimi), Dominique Genna (CONSOREM), Sven Petersen (Helmholtz Centre for Ocean Research Kiel), Jorge M.R.S. Relvas (Universidade de Lisboa), Stephen J. Piercey (Memorial University of Newfoundland)
La chalcopyrite est un sulfure de cuivre et fer commun dans une grande variété de gîtes minéraux magmatiques et hydrothermaux. Sa composition en éléments en traces est très variable. La structure cristalline, le coefficient de partage entre les minéraux et la composition du magma/fluide hydrothermal sont les facteurs les plus importants qui contrôlent le contenu en éléments en traces dans la chalcopyrite et qui reflètent les conditions physico-chimiques de l’environnement géologique de formation. Ces caractéristiques ainsi que les propriétés physiques de ce minéral favorisent le choix de la chalcopyrite comme minéral indicateur potentiel pour l’exploration.
Dans les dernières années, une grande variété de minéraux indicateurs ont été étudiés (or, scheelite, magnétite, etc.). Néanmoins, très peu d’études ont été menées sur la chalcopyrite en utilisant une approche statistique multivariée ou d’apprentissage automatique. Dans cette étude, un total de 1832 grains de chalcopyrite, appartenant à 8 différents types de gisements à l’échelle mondiale, ont été analysés par LA-ICP-MS (« laser ablation-inductively coupled plasma-mass spectrometry ») avec l’objectif de déterminer des critères géochimiques permettant l’utilisation de la chalcopyrite comme un minéral indicateur. Les données ont été examinées à l’aide de méthodes statistiques afin de comprendre le lien entre la variation des éléments en traces dans la chalcopyrite et les différents types de dépôts. Des modèles de classification par analyse discriminante par les moindres carrés partiels (PLS-DA) et par random forest (RF) ont été développés afin de prédire la provenance d’échantillons inconnus en utilisant ces éléments.
En général, la chalcopyrite des minéralisations magmatiques est caractérisée par des valeurs significativement plus élevées de Ni par rapport à celles de minéralisations hydrothermales. L’analyse par PLS-DA montre que le contenu en éléments en traces dans les dépôts d’EGP lités est principalement contrôlé par les rapports élevés de liquide sulfuré/magma pendant la cristallisation, ce qui conduit à un enrichissement en Se dans la chalcopyrite en comparaison à celles des dépôts de sulfures à Ni-Cu. Les variations des éléments en traces dans la chalcopyrite sont également influencées par les processus de cristallisation fractionnée du liquide sulfuré dans les dépôts de sulfures de Ni-Cu. Ainsi, la chalcopyrite issue d’une solution solide intermédiaire (iss) est enrichie en Ag, Bi, Cd, Pb, Se, Sn et Tl par rapport à celle provenant d’une solution solide de monosulfure (mss).
Dans un contexte de dépôts de sulfures massifs volcanogènes (SMV), les éléments en traces dans la chalcopyrite varient en fonction de la composition de la roche encaissante, déterminée à son tour par le sous-type de minéralisation. La chalcopyrite appartenant aux SMV du sous-type ultramafique est riche en Ni, Co et Te, alors que celle des SMV siliciclastiques-felsiques présente des teneurs élevées en Sb, Bi et In. Dans les sous-types mafique et pélitique-mafique, la chalcopyrite est respectivement enrichie en Pb et Mn, tandis que les dépôts bimodaux-mafiques et bimodaux-felsiques montrent des compositions similaires. Dans une moindre mesure, la composition de la chalcopyrite est aussi contrôlée par le rapport Ccp/(Ccp + Sp) des échantillons.
Ces résultats démontrent que la composition en éléments en traces de la chalcopyrite peut être utilisée aux fins d’exploration minérale pour diverses substances.
11 h 20
Empreinte des gîtes métallifères dans l’eau souterraine du Bouclier canadien : études de cas et perspectives pour l’exploration
Détails de la conférence
L’amélioration des capacités de détection analytique apportée par la spectroscopie de masse à haute résolution a permis l’émergence d’une nouvelle méthode d’exploration minérale, l’hydrogéochimie souterraine. Celle-ci consiste à détecter dans l’eau souterraine les halos chimiques émanant de gîtes métallifères. D’abord confinée au domaine de la recherche universitaire dans les années 2000, cette méthode est progressivement transférée au secteur industriel à partir du milieu des années 2010. Depuis 2016, le CONSOREM a testé puis développé cet outil d’exploration dans le contexte spécifique des aquifères de roc fracturé du Bouclier canadien recouvert totalement ou partiellement de sédiments glaciaires transportés. Sept études de cas ont été réalisées dans l’environnement de six gisements zincifères et aurifères archéens de l’Abitibi à des profondeurs comprises entre 50 et plus de 1200 m. Ces études ont révélé les empreintes de ces minéralisations dans l’eau souterraine à toutes les profondeurs investiguées (jusqu’à 1200 m), leurs compositions en éléments majeurs, en traces et en ultratraces, leurs fractionnements géochimiques, la géométrie des halos et les contrôles hydrogéologiques. Ces empreintes sont plus prononcées à forte profondeur en raison de l’augmentation de la solubilité de la plupart des métaux de transition, due à la disponibilité des ligands chlorurés dans les eaux saumâtres continentales dont la salinité dépasse celle de l’eau de mer à partir d’une profondeur d’un kilomètre.
Les halos hydrogéochimiques mesurés en contexte de minéralisations zincifères présentent un enrichissement en Zn, Co, Sb, Ni, Sn et V. Dans le cas des gîtes aurifères, on observe une empreinte enrichie en Au, Ag, Sb, Pt, W, Zn, Sn, Hg et Y et, dans certains cas, en terres rares (Ce et La). Les anomalies en or dans l’eau souterraine sont détectées en concentrations ultratraces, de l’ordre de 10 à 100 ppt. Elles montrent néanmoins un enrichissement très marqué et spatialement très cohérent par rapport à la teneur de fond qui est de l’ordre de 0,1 ppt. La géométrie des halos révèle un contrôle très net par les réseaux de fractures perméables, caractérisés par une forte anisotropie et une compartimentation hydraulique. Dans la direction aval des fractures recoupant les minéralisations, les empreintes sont détectables jusqu’à des distances dépassant 2 km.
Ces travaux ont démontré sans équivoque que l’analyse de l’eau dans les forages d’exploration peut révéler la présence de minéralisation là où aucun signal n’est détectable dans la roche. Cette méthode est efficace tout particulièrement dans les contextes où les autres méthodes de géochimie de l’environnement secondaire perdent leur efficacité, c’est-à-dire pour l’exploration profonde et/ou sous couverture transportée épaisse. Les tests réalisés au cours des campagnes successives d’échantillonnage ont permis d’élaborer et valider des protocoles opératoires et d’interprétation adaptés aux terrains québécois nordiques ainsi qu’aux conditions d’exploration active (forages en cours). La méthode est maintenant mature pour un usage en exploration. Ainsi, un échantillonnage systématique des forages devrait permettre de vérifier la présence de corps minéralisés non interceptés dans l’environnement du forage. Elle contribue donc à augmenter, à un coût modique, la portée des informations accessibles par les forages.